IA

Comment co-créer avec l’IA en tant qu’artiste ?

21 août 2025

Dans le paysage artistique contemporain, l’intelligence artificielle (IA) s’impose progressivement comme un nouvel outil de création, suscitant autant d’enthousiasme que d’inquiétude. Mais comment co-créer des œuvres originales en tirant le maximum de ces nouvelles technologies? Samy Abou El Ainin, artiste valaisan et vice-président d’Art Valais, a partagé sans fard son expérience de collaboration avec l’IA, démontrant comment cette technologie peut enrichir la démarche artistique sans pour autant la remplacer. 

« Il y a deux ans, j’ai tapé le mot “vache” dans un logiciel d’IA. Le résultat n’était pas vraiment une vache, mais plutôt ce que la machine pensait être une vache. Cela m’a fasciné », raconte Samy Abou El Ainin. Cette première expérience a été le point de départ d’une réflexion profonde sur la manière dont l’IA pouvait s’intégrer dans sa pratique artistique. 

Grapheur à l’origine et donc « confortable avec le geste de peindre », l’artiste valaisan s’est rapidement trouvé à la croisée des chemins face à cette nouvelle technologie, comme beaucoup de ses collègues du domaine. « Il y a un clivage entre ceux qui disent que l’on nourrit la bête et ceux qui utilisent l’IA au quotidien », observe Samy Abou El Ainin, évoquant les débats qui animent la communauté artistique.  

Une fresque monumentale née de la collaboration homme-machine

La première œuvre co-créée avec l’IA s’est concrétisée en 2023 lorsque Le Nouvelliste a contacté l’artiste pour créer une œuvre célébrant les 120 ans du journal. « C’était un moment charnière pour les journaux, comme pour les artistes, avec plein de questionnements en lien avec le digital ».  

Pour ce projet, Samy Abou El Ainin a développé une approche novatrice. « Pendant 120 ans, Le Nouvelliste a relaté les faits du Valais. J’ai donc demandé à l’IA, sur la base de mots représentant le Valais, de générer des images ». Des centaines de visuels ont ainsi été créés par l’intelligence artificielle, avant que l’artiste ne les sélectionne, découpe et assemble. Le résultat ? Une fresque impressionnante de 2 mètres de haut sur 14 mètres de long, installée dans les bureaux du journal.  

L'IA, un amplificateur de la vision artistique

Pour Samy Abou El Ainin, l’intelligence artificielle n’est pas une menace, mais un outil qui permet de dépasser certaines limitations. « Je sais à quoi je veux aboutir et j’ai la vision artistique. Au final, l’IA me permet d’aller plus vite et plus loin, sans contrainte technique, d’autant que je ne suis pas assez bon pour utiliser certains outils techniques ».  

Cette approche pragmatique lui a permis d’explorer de nouvelles possibilités créatives. « J’ai nourri l’intelligence artificielle avec des centaines de mes œuvres pour l’entraîner à mon propre style. Je peux donc lui demander de suggérer ce que j’aurais pu créer ». Cette méthode lui offre une multitude de propositions qu’il peut ensuite interpréter et concrétiser à travers sa pratique de la peinture, par exemple. 

Une œuvre doit avant tout interpeller son public

L’artiste reste ferme sur un point essentiel : « on ne peut pas remplacer l’œil et la direction artistique. L’IA peut remplacer quelques éléments techniques, mais ne peut pas réfléchir pour nous ». Cette distinction entre capacité technique et vision artistique est fondamentale dans toute démarche incluant l’IA. Mais qu’est-ce qui est le plus important ? Le processus de création ou l’œuvre finale livrée ? « Selon moi, tant que l’œuvre interpelle, elle fait son travail », selon l’artiste valaisan.  

De manière générale, Samy Abou El Ainin voit l’IA comme un partenaire plutôt que comme un concurrent. Ce positionnement ouvre de nouvelles perspectives pour les artistes contemporains. En embrassant ces technologies tout en maintenant fermement leur autorité créative, ils peuvent ainsi explorer des territoires inédits sans perdre l’essence même de leur démarche artistique.

Propos recueillis le 13 mai 2025 à Monthey lors de la Conférence PRISM