IA

Le château de Chillon améliore son accueil avec un chatbot dopé à l’IA : retours d’expérience

14 juillet 2025

Le monument historique le plus visité de Suisse, le château de Chillon, a mis en place un chatbot basé sur l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer l’accueil de ses visiteurs. Développé par la start-up Ask Mona, ce service offre des réponses personnalisées aux nombreuses questions des touristes, 24h/24 et en plusieurs langues. Après plusieurs mois de pratique, les premiers enseignements sont positifs, même si l’humain doit rester au centre de l’accueil et que les coûts d’un tel outil ne sont pas négligeables. 

Le château de Chillon, qui accueille 400 000 visiteurs en 2024 dont plus des trois quarts viennent de l’étranger, a lancé ce projet après la pandémie de Covid-19. « Nous avions perdu un tiers de notre personnel suite à la crise sanitaire », explique Marta Dos Santos, directrice de la Fondation du château de Chillon. « Nous cherchions une solution pour offrir aux visiteurs un moyen de préparer leur visite sereinement, tout en soulageant nos équipes d’information. » 

Le chatbot, baptisé « Bonne de Bourbon » en référence à un personnage historique lié au château, a été conçu avec plusieurs objectifs précis : 

  • Être accessible sur mobile 
  • Fonctionner en trois langues 
  • Assurer un service d’information 24h/24 
  • Expliquer le contexte patrimonial et historique du site 


« Notre chatbot se base sur trois briques essentielles : un modèle de langage existant, mais optimisé pour que les données ne concernent que le château, un back office client en no-code qui permet à l’équipe du château de rajouter du contenu dans la base de données et une interface utilisateur intuitive et parfaitement intégrée au site web », précise Alix Debussche d’Ask Mona.

Des retours majoritairement positifs

Depuis son lancement, le chatbot a connu un succès croissant. « En 2022, en version sans IA, nous avions 10’000 utilisateurs. En 2024, ce chiffre a bondi à 17’600 personnes », note Marta Dos Santos. « Il est utilisé à 75% via mobile, ce qui confirme notre intuition initiale ». 

Selon la directrice du château, les bénéfices constatés sont nombreux : 

  • Un gain de temps considérable dans la création des questions-réponses 
  • Une réduction des requêtes traitées manuellement 
  • Une capacité à répondre dans toutes les langues, y compris le chinois qui représente 13% du public 
  • Des réponses personnalisées avec redirections pertinentes sur le site 
  • Une rapidité d’exécution appréciée des visiteurs 

« En revanche, la mise en ligne du chatbot n’a pas entraîné d’économie sur le personnel d’accueil. Cette technologie nous permet de nous donner des réponses sur des services à valeur ajoutée comme les visites guidées. C’est un bien-être non négligeable pour l’équipe ». 

Un aspect particulièrement intéressant est l’interaction humaine avec l’avatar. « Nous avons noté que près d’un quart des utilisateurs engageaient des “small talks” avec Bonne de Bourbon, posant parfois des questions amusantes comme “pourquoi avoir construit le château à côté de l’autoroute ? », sourit Marta Dos Santos.  

Des limites identifiées

Malgré ces points positifs, la directrice du château identifie plusieurs défis et limites en lien avec le chat bot. La principale est la durabilité et les coûts. «Ces outils deviennent vite obsolètes, avec un coût non négligeable. En l’état, ce chatbot ne va pas durer 5 à 10 ans. Il faut prévoir un budget toutes les années pour le garder à jour». Par ailleurs, l‘IA peut parfois mal interpréter les requêtes et donner des réponses peu nuancées. Pour le personnel peu familier avec le numérique, cela peut être un frein. Une certaine dépendance technologique se crée également avec ce type d’outils. La directrice a également constaté que les réponses de ChatGPT sur le château étaient parfois plus complètes que celles données directement sur le chatbot. « On se rend compte que les outils génériques d’IA deviennent rapidement très performants ».

L'humain reste essentiel

Pour Marta Dos Santos, la conclusion est claire. « Un chatbot intelligent ne remplace pas l’humain dans les sites culturels, notamment dans l’accueil. Il faut prendre cela comme un outil de travail, à cadrer ». Elle souligne également l’importance d’une approche sur mesure. « Ces outils doivent être faits spécifiquement pour les lieux culturels. Cela ne fonctionne pas lorsque c’est trop général ». 

Au final, cette expérience démontre que l’intelligence artificielle peut apporter une vraie valeur ajoutée aux institutions culturelles, à condition d’être implémentée avec précision et de rester un complément, non un remplacement, de l’expertise humaine. 

Propos recueillis le 13 mai 2025 à Monthey lors de la Conférence PRISM